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à conserver: Le droit de retrait |
RLR 610-8
Le protocole du 28 juillet 1994 (point I.4) a prévu l'insertion du droit de retrait au profit des fonctionnaires et agents relevant de son champ d'application.
Les articles 5-6 à 5-9 ont traduit réglementairement ce point du protocole directement inspiré des dispositions de la loi no 82-1097 du 23 décembre 1982 intégrées dans le Code du travail au profit des salariés de droit commun (article L 231-8 à L 231-9), elles-mêmes reprises par la directive cadre européenne no 89-391 CEE du 12 juin 1989 du Conseil des communautés européennes, concernant la mise en oeuvre des mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (articles 8-4 et 8-5).
Selon les dispositions du décret, le fonctionnaire ou l'agent se voit reconnaître un droit de retrait de son poste de travail face à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, sans encourir de sanction ni de retenue de traitement ou de salaire (voir schéma général à l'annexe no I de la présente circulaire).
La notion de danger doit être entendue, par référence à la jurisprudence sociale, comme étant une menace directe pour la vie ou la santé du fonctionnaire ou de l'agent, c'est-à-dire une situation de fait en mesure de provoquer un dommage à l'intégrité physique de la personne :
Le danger en cause doit donc être grave et susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée ;
Le caractère imminent du danger implique la survenance d'un événement dans un avenir très proche quasi immédiat.
Il y a donc danger grave et imminent, lorsque la personne est en présence d'une menace susceptible de provoquer une atteinte sérieuse à l'intégrité physique d'un fonctionnaire ou d'un agent, dans un délai très rapproché.
La notion de danger grave et imminent concerne plus spécialement les risques d'accidents, puisque l'accident est dû à une action soudaine entraînant une lésion du corps humain. Les maladies sont le plus souvent consécutives d'une série d'événements à évolution lente et sont, a priori, hors champ.
L'exercice du droit de retrait impose préalablement ou de façon concomittante la mise en oeuvre de la procédure d'alerte telle qu'elle résulte de l'article 5-6, alinéa 1 et de l'article 5-7, alinéa 1.
A) LA PROCÉDURE D'ALERTE
Le fonctionnaire ou l'agent signale immédiatement à l'autorité administrative (chef de service) ou à son représentant toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, ainsi que toute défectuosité dans les systèmes de protection (premier alinéa de l'article 5-6). A cet égard, même si le décret ne l'impose pas, il apparaît tout à fait opportun qu'un membre du CHS compétent soit informé de la situation en cause.
De même, un membre du CHS qui constate un danger grave et imminent, notamment par l'intermédiaire d'un fonctionnaire ou d'un agent qui a fait usage du droit de retrait, en avise immédiatement l'autorité administrative (chef de service) ou son représentant (premier alinéa de l'article 5-7).
Dans les deux hypothèses, il convient que ce signalement soit recueilli de façon formalisée par le biais du registre spécial mentionné à l'article 5-8 et tenu sous la responsabilité du chef de service. Un modèle de registre spécial figure en annexe II de la présente circulaire.
B) L'EXERCICE DU DROIT DE RETRAIT
A la suite du signalement d'un danger grave et imminent soit par l'agent directement concerné soit par un membre du CHS, l'autorité administrative ou son représentant doit procéder sur le champ à une enquête.
Si le signalement émane d'un membre du CHS, celui-ci doit obligatoirement être associé à l'enquête. La présence d'un membre du CHS doit cependant être préconisée lors du déroulement de l'enquête, quel que soit le mode de signalement du danger grave et imminent en cause.
En toute hypothèse, l'autorité administrative doit prendre les dispositions propres à remédier à la situation du danger grave et imminent, le CHS compétent en étant informé.
En cas de divergence sur la réalité du danger ou la manière de la faire cesser, l'autorité administrative a l'obligation de réunir d'urgence le CHS compétent, au plus tard, dans les vingt-quatre heures, l'inspecteur du travail territorialement compétent et désigné dans les conditions mentionnées au point II-2-B2, paragraphe 3, supra, assiste de plein droit à titre consultatif à la réunion de ce CHS.
En dernier ressort, l'autorité administrative arrête les mesures à prendre et met, si nécessaire en demeure par écrit l'agent de reprendre le travail sous peine de mise en oeuvre des procédures statutaires, dès lors que la situation de danger grave et imminent ne persiste plus, ou que le retrait a été considéré comme étant injustifié.
D'une façon générale, le droit de retrait du fonctionnaire ou de l'agent doit s'exercer de telle manière qu'il ne crée pas pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent (article 5-6, alinéa 3, du décret). Par « autrui », il convient d'entendre toute personne susceptible, du fait du retrait de l'agent, d'être placée elle-même dans une situation de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Il peut donc s'agir de collègues de l'agent, mais aussi, le cas échéant, de tiers tels que les usagers du service public. Quant au caractère nouveau de la situation de danger, celle-ci peut être identique mais concerner un tiers, tel un collègue de travail ; la situation pourrait par contre présenter un contenu différent dans la mesure où elle concernerait un usager.
Enfin, pour ce qui concerne les agents non fonctionnaires, l'article 5-9 du décret prévoit à leur profit le bénéfice du régime de la faute inexcusable de l'employeur tel que défini aux articles L 452-1 et suivants du Code de la Sécurité sociale (1), dès lors qu'ils auraient été victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'eux-mêmes ou un membre du CHS avaient signalé au chef de service ou à son représentant le risque qui s'est matérialisé.
Ce dispositif qui relève du régime général de la Sécurité sociale permet, dans les conditions posées par les articles L 452-2 à 452-5 du Code de la Sécurité sociale (1), à l'agent victime de bénéficier d'une indemnisation complémentaire du préjudice qu'il a subi.
C) LES
LIMITES A L'EXERCICE DU DROIT DE RETRAIT
(Article 5-6, dernier alinéa)
L'exercice de certaines missions de service public peut être incompatible par nature avec l'usage du droit de retrait.
Il en va ainsi des missions liées directement à la sécurité des personnes et des biens exécutées dans le cadre notamment du service public des douanes, de la police, de l'administration pénitentiaire et de la sécurité civile.
L'usage du droit de retrait dans ce cadre serait de nature à compromettre directement l'exécution même des missions du service public concernés, aboutissant à la mise en jeu de l'existence de ces services publics.
L'article 5-6, dernier alinéa, du décret précise que la détermination de ces missions exclues de l'exercice du droit de retrait pour les agents amenés à les remplir, doit intervenir sur la base d'arrêtés interministériels du ministre chargé de la Fonction publique, du ministre chargé du Travail et du ministre dont relève le domaine d'activité concerné. Les projets d'arrêtés devront, en outre, être soumis pour avis au CHS central compétent ainsi qu'à la commission centrale de l'hygiène et de la sécurité du Conseil supérieur de la Fonction publique de l'Etat.